Interview du père Georges DUFOUR, sculpteur

" Dis-moi voir ? "

Dans le cadre de l'exposition au coeur de l'été, avec les tableaux du père Angelico Surchamp, nous pouvions aussi découvrir les sculptures du père Georges Dufour, prêtre du diocèse d'Autun, interviewé par Soeur Nathalie,

Soeur Nathalie: Comment avez-vous commencé à sculpter, comment la sculpture est-elle entrée dans votre vie ?

Georges Dufour: Le commencement nous renverrait à la nuit des temps … Et nous n'avons que peu de temps aujourd'hui.
Je peux dire que tout est né du choc, du décalage entre mon désir d'être prêtre-ouvrier et la réalité du monde incroyant, dans lequel et pour lequel j'allais œuvrer pendant quarante ans : c'est une durée.
Une durée et aussi une terre, comme un bain dans l'art roman, car le terrain mâconnais, c'est aussi des trésors comme Tournus, Cluny.

La découverte de la sculpture s'est faite, je pourrais dire, sur un obstacle.
Je me suis donc retrouvé comme enseignant dans un établissement catholique en terre anti-cléricale : il a donc fallu très rapidement avec mes collègues élargir et acquérir des compétences, pour être crédibles (licence en biologie, compétences en communication, et pour ma part en sciences éducatives (Psychologie à la faculté catholique de Lyon). J'ai approché la sculpture par le biais de ce cursus. Dans le cadre de ma formation d'éducateur, il m'a été donné de rencontrer un éducateur breton qui sculptait sur bois. Il m'a appris la technique. Le plus important dans la sculpture, ce sont les outils, l'affûtage des outils. La démarche créative peut être une notion floue, pas celle du savoir-faire. Là, c'est très concret.
Puis, j'ai fait un stage à Paris, avec un sculpteur hollandais, initiation au sein du milieu éducatif.

Sr. N Comment la sculpture vous a aidé à aller à la rencontre des jeunes ?

G. D. Dans mon travail, il y avait beaucoup de jeunes en péril, déphasés (pères non revenus de la guerre, mères dépassées par leurs responsabilités dans l'exploitation agricole). J'étais là pour les aider, aider les enfants en retard scolaire. Lorsqu'ils en avaient marre de travailler à l'école, lorsqu'ils bloquaient en raison de l'apprentissage intellectuel, vers la 4e ou 3e, le collège me les confiaient. " Ils feront un an "chez toi" . Se créait, avec eux, une relation, autour d'un projet éducatif concret, travailler dans l'exploitation agricole (conduire le tracteur, économie) et ils reprenaient les études.

Sr. N Questions Et de façon plus personnelle comment la sculpture a croisé votre ministère de prêtre ?

G. D. L'autre obstacle, si je puis dire : c'est le débordement rencontré face à une évolution pastorale due au départ des prêtres. Le lien entre la sculpture et la parole, ma recherche étant comment annoncer l'évangile ? Comment faire face à la modernité et aux nouveaux modes de pensées ? Accueil du neuf, par exemple au collège : les mathématiques modernes, la biologie (dissection des grenouilles), la perspective économique en géographie …

Sr. N Qu'est-ce qui vous tient à cœur, aujourd'hui, dans votre travail ?

G. D. Je dirais le lien entre le "voir" (la sculpture) et le "dire" (la parole biblique) : " Dis-moi voir ? " Le lien entre le regard et la parole.
Le "dire", non comme un texte, mais comme une relation (voir tout le chemin que doit faire l'enfant pour entrer dans un texte dans l'apprentissage de la lecture).
Le "voir" comme mode de connaissance et d'accès à la parole biblique, dans une relation vivante.

Sr. N Vous nous avez parlé de votre terre, comme une plongée dans l'art roman avec des hauts lieux comme Tournus et Cluny. C'est normal que cette époque vous inspire, par sa proximité géographique ; mais qu'ajouter encore ?

G. D. Toujours dans ce lien entre la parole et le regard. La forme du récit dans l'art roman, qu'il soit évangélique ou biblique, rejoint encore et toujours cette préoccupation d'annonce d'une parole. Dans cette les tableaux d'Angelico Surchamp, le thème est l'annonce des mystères joyeux (Annonciation, Visitation, Nativité).
Les disproportions dans l'art roman, comme pour cette Vierge "colonne" à l'enfant, fait partie du sens que l'on veut transmettre.

Sr. N Quels sont vos outils, les matériaux que vous utilisez ?

G. D. Le racloir (utilisé comme rabot et non comme outil à poncer).
La mailloche, ciseau à bois.
Le burin (en V) utilisé comme graveur, il faut le pousser avec une pression de la main. C'est la technique de Rembrandt qui sculptait dans le bois franc (très dur) plutôt que de graver dans le fil. Pour les bois : bois de ronce, d'érable, de chêne …

Sr. N Qu'est-ce qui vient en premier : la forme ou la parole ?

G. D. Le bois induit déjà le dessin, le racloir laisse apparaître des lignes. Dans ce dessin d'oiseau, par exemple, le visuel a appelé la Parole de l'Écriture : " L'Esprit qui repose ". J'ai pu voir cette parole, la comprendre mieux, et peut-être la rendre accessible aux visiteurs.

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