Trois "Visiteurs" dans le cloître de Saint Guilhem
Évènement culturel et actualité à Saint Guilhem-Le-Désert, dans le cadre de la manifestation In Situ, sont exposées dans le cloître de notre abbatiale. Cette triple manifestation (deux autres artistes sont exposés dans deux autres lieux prestigieux de notre département) a pour but de créer un dialogue entre le patrimoine architectural et l’art contemporain. Cette manifestation sera inaugurée le 23 juin et se terminera le 16 septembre 2012 pour les journées du patrimoine. Je me suis sentie l’âme d’une avocate devant l’étonnement parfois moqueur des premiers spectateurs, révélateur d’une inconnaissance et parfois de préjugés pour l’art abstrait. C’est pourquoi, j’ai écrit cet article essayant modestement de percer le mystère de ce langage, pour moi si proche de celui de la foi.
Est-ce un hasard (ou une taquine providence ?), qu’en ce dimanche où nous fêtons la Sainte Trinité, soient installées trois sculptures contemporaines du britannique ? C’est ainsi qu’en ce dimanche ensoleillé du 3 juin 2012, traversant le cloître, pour nous rendre à l’office, nous sommes surprises par l’arrivée de ces trois intruses, non attendues, qui nous surprennent, qui nous questionnent et qui nous étonnent.
Trois formes organiques en métal étincelant, captant la lumière et les vibrations du ciel, ont été déposées près du bassin aux poissons, nous renvoyant ainsi, au mystère scintillant de la lumière jouant du ciel et de l’eau. Matière inédite que cet acier inox dans notre univers quotidien de pierres et de végétaux, qui assume ses formes douces et arrondies, dans le carré du cloître. Assurément, la langue est différente ! Et le dialogue qui s’instaure entre l’architecture du XIe siècle et les sculptures du XXIe siècle joue d’emblée le contraste et le rapprochement insolite.
Pourtant, l’intrusion contemporaine se fait sans insolence, car
les trois O.P.N.I.
(entendez "Objets Posés Non Identifiés") ont l’humilité des petits objets, posés là pour qu’on les oublie. Je ne vois aucune prétention ou lyrisme outrecuidant dans leur forme ou leur matière : ils semblent vouloir disparaître et se fondre dans leur nouveau décor …
Ces trois "Objets" restent muets, car ils ne représentent rien et parce que l’artiste silencieux n’a pas laissé non plus d’indice, si ce n’est cet elliptique titre "Custom" (que l’on peut traduire par "Coutume" ou "Habitude"). Nous ne possédons absolument rien qui puisse nous aider à déchiffrer ou rationnaliser ce que nous voyons.
Pourtant, à les fréquenter depuis quelques jours, je perçois, contenu dans leurs formes comme un désir de métamorphose, car ils n’ont rien des objets inanimés et sans âmes que questionnait Alphonse de Lamartine. Ils me semblent plutôt en jachère, en attente de métamorphose, en phase de transformation …, oserais-je le terme de Transfiguration ?…
« Quand la chrysalide deviendra-t-elle papillon ? » Et, je me surprends à guetter chaque jour un indicible changement de place ou une infime respiration. Et s’ils avaient bougé ou grandi pendant la nuit ?
Nos trois objets ne nous livrent aucune idéologie, aucun message, si ce n’est cette interpellation personnelle, propre à l’art abstrait, qui renvoie chacun à son propre questionnement existentiel ou quête de sens. Et les trois sculptures de nous questionner : « Et toi, que dis-tu que je suis ? » Et à chacun des spectateurs démunis, donc, d’être renvoyé à sa propre angoisse d’une image, d’un signe, ou bien à la béatitude d’un émerveillement.